La conciergerie locative se développe, se structure et organise son premier congrès

La conciergerie locative se développe, se structure et organise son premier congrès

Vous savez que je suis un observateur attentif, curieux et amusé de notre secteur qu’est le tourisme.
Je suis de formation hôtelière, j’ai fait l’école hôtelière, on m’a appris plein de trucs à propos des hôtels, mais on ne m’a jamais dit qu’il y avait d’autres formes d’hébergements. C’est bien longtemps après la fin de mes études que j’aie découvert le secteur du camping, des villages vacances, resort, etc. Il y a un secteur qui me fascine, c’est celui de la location saisonnière. Secteur mis en avant par Airbnb qui lui a donné ses lettres de « noblesse ». Ce qui est injuste pour les anciens acteurs. Gites de France fait de la location saisonnière depuis 1955, mais c’est Airbnb que l’on retient.

Il y a une vraie forme d’hébergement touristique marchand qui est en train de se structurer, de se professionnaliser, de se positionner sur le marché, d’avoir une image, une clientèle et des lieux de séjours. C’est fascinant comme ce secteur se structure. Saviez-vous que les « hôtes » sur Airbnb ont maintenant des solutions de Yield Management, de gestion du parcours client, de CRM, moteur de resa, channel manager, tout comme les hôtels & campings. En 2015, j’avais déjà parlé d’un livre écrit par un Top Host Airbnb, Romain Giacalone. C’était un signe de la popularisation et professionnalisation de ce secteur. L’ESTHUA (Université d’Angers), grande faculté de tourisme en France, vient de renommer son département « Hôtellerie » en « Hospitalité » car l’hébergement, ce n’est plus que de l’hôtellerie, j’adore.

En 2020, un groupe de 5 acteurs créé le CLF, un réseau, plutôt une fédération, de concierges. C’est le réseau de la Conciergerie Locatives de France. Ce réseau organise, pour fin mars 2022, le premier congrès des concierges locatifs de France.

À cette occasion, j’ai pu interviewer son président, Maxime Vaux.

Photo de Ketut Subiyanto

Bonjour Maxime, merci de ton temps, peux-tu te présenter ?

Oui, bien sûr, bonjour à tous, je suis Maxime, je suis moi aussi de formation hôtelière, une formation classique, l’école hôtelière puis un master de gestion hôtelière à Vatel Paris. Mais à la suite, je n’ai pas été attiré par l’hôtellerie ou la restauration telle que le marché le proposait. Je pars donc dans l’évènementiel et je rejoins Potel & Chabot. Je gère le portefeuille « aéronautique », je voyage beaucoup, je fais tous les salons mondiaux de l’aéronautique. Ensuite je participe à l’ouverture de l’antenne bordelaise de P&C. Mais au fond de moi, je souhaite revenir sur mon Ile d’origine, l’Ile de Ré, mais qu’y faire ? Comme à l’Ile de Ré il y a énormément de résidences secondaires, je me dis qu’il y a un truc à faire. Le métier de concierge locatif est à peine naissant, on est en 2015. J’identifie un besoin de la part des propriétaires, je me positionne donc et ouvre en février 2016. Il a fallu grandir vite, dans un monde inadapté, c’est un métier qui n’existait pas, il n’y a jamais une case à cocher « conciergerie » dans les formulaires, il n’y avait pas d’outils, etc. Dans le cadre de mes activités, je rencontre Thierry, Carole, Sophie et Dorothée. Ils sont aussi des conciergeries indépendantes.

On partage la même vision, les mêmes valeurs et le même constat sur le métier. On lance alors l’idée de se fédérer, de fédérer les concierges et de là est né le CLF.

logo CLF

Tu es président du CLF, c’est quoi

Le CLF, c’est le 1er réseau de Conciergeries Locatives de France.
Il a été créé par un constat simple, notre métier n’est pas reconnu, il y a souvent une confusion avec le métier de concierge d’immeuble, de concierges d’entreprise ou de luxe. Nous n’avons pas de code APE par exemple, pas de convention collective, pas de formation, pas de diplôme, pas de statistiques, rien. Des fois les concierges sont enregistrés comme « service à la personne », d’autres le sont en « nettoyage de bâtiment », ou encore « petits travaux ». Des fois l’enregistrement se fait à la chambre des métiers, des fois c’est à la chambre de commerce. On est connexe aux métiers de la location immobilière, mais nous ne sommes pas agents immobiliers, nous ne sommes pas soumis à la loi Hoguet, mais c’est flou. On a besoin de mettre à plat, de clarté, de structurer cette activité.
Par exemple, je n’ai pas de chiffres fiables sur le secteur, comme beaucoup sont autoentrepreneurs, on n’a pas forcément d’observatoire ni de données fiables…

Photo de Andrea Piacquadio

Justement, c’est quoi le métier de conciergerie locative aujourd’hui ?

Je résume souvent le métier comme étant comparable à la gestion d’un boutique hôtel de 100 chambres reparties du 15km. Avec la particularité que le parc évolue en permanence, vous imaginez rajouter quelques chambres par ci à votre hôtel et en enlevez quelques-unes par là… c’est notre métier.

Il y a 2 grands types de conciergeries, celles qui se chargent de la commercialisation et celles qui n’interviennent qu’une fois le contrat signé. Le tronc commun étant la gestion du bien et la relation client, c’est-à-dire la préparation du logement, l’accueil du voyageur, le suivi du déroulé du séjour et le départ.

Celles qui commercialisent ont en plus, la gestion tarifaire, la gestion des canaux de distribution, des offres, et la relation après séjour.
Nous avons 2 clients, le propriétaire du bien et le voyageur, mais bien souvent on est invisible, on est assimilé au bien. D’ailleurs les avis vont sur la fiche du bien, pas sur celle du concierge. On est invisible tout en étant présent pour le client.

Le chiffre d’affaires vient des frais de gestion que nous facturons au propriétaire. On facture le ménage, ça représente un gros volume, car très consommateur de main d’œuvre, mais ce n’est pas dessus que nous margeons. Nous vendons des services et produits à destination des voyageurs, des kit d’accueil, etc.

Le métier rejoint celui d’hôtelier (et de camping, ndlr) car il faut être bon en bricolage, en marketing, en accueil, en réseaux sociaux, en distribution et être ouvert 7/7

Photo de Lukas

Comment expliques-tu cette croissance phénoménale du métier ?

Oui, il y a une croissance phénoménale, c’est un secteur qui se propose d’exploiter les résidences secondaires, il y en a beaucoup et elles ne sont utilisées par leur propriétaire que 15 jours par an, ça fait du potentiel. Les résidences secondaires, c’est 10% du marché de l’immobilier en France. On voit même apparaitre des propriétaires qui louent leur résidence principale, 3 mois ou plus par an, un profil « retraité » qui part à l’aventure sur les routes avec son camping-car. Il y a aussi de l’investissement locatif, des investisseurs qui achètent de la petite surface pour de la location saisonnière.

Sur le marché de la résidence secondaire, le besoin n’est pas uniquement de louer sur certaines périodes, mais il y a aussi un volet maintenance, on est le porteclé en local, du propriétaire. On gère les travaux, les accès, les rénovations, etc.

Le marché devient de plus ne plus concurrentiel, on doit multiplier les plateformes de distribution, par exemple, AirBnb ne suffit plus, on va sur Booking, Abritel, on fait évoluer les tarifs, on amène les propriétaires à du Revenu Management, on a des outils maintenant. On a les mêmes problématiques que l’hôtellerie, avec des courts et moyens séjours. La clé est dans l’équilibrage du parc, la location saisonnière, ce n’est pas que du samedi au samedi, il faut apporter de la souplesse.

On est aussi confronté à un problème de recrutement, notamment pour le ménage. Ce n’est pas un job principal, mais un job secondaire que l’on propose, un mi-temps en semaine qui vient arrondir ses fins de mois le week end, un étudiant qui bosse la saison. C’est compliqué, même en saison, de fournir un 35h par semaine.

Photo de cottonbro

Qui sont les grands acteurs du secteur ?)

Le secteur est en pleine structuration, la majeure partie des conciergeries gère entre 20 et 70 biens, ce segment doit représenter un millier de conciergeries. Il y a surement de nombreux acteurs qui en gèrent moins, quelques biens, mais c’est plus de l’ordre du voisin ou de la femme de ménage qui donnent les clés à l’occasion.
Le marché à une forte croissance et donc de grands acteurs apparaissent. On peut citer WelKeys, Luckey Homes, Hoomy, Cocoonr, BnBLord. Ces grands acteurs ont une croissance interne et externe, c’est logique, la taille permet de faire des économies d’échelle, de mutualiser, de créer des solutions technologiques, etc. J’ai moi-même revendu ma conciergerie à Hoomy, dont je suis salarié maintenant. AirBnb a racheté Luckey Homes en 2018.

Quelle est ta vision de la conciergerie et plus largement de l’hébergement marchand pour le futur ?

On n’a rien inventé, ce métier, l’accueil, existe depuis la nuit des temps, avant c’était plus le voisin qui rendait ce service. On a besoin de structurer, de normer le métier, avec une charte et des actions de professionnalisation.

L’environnement technologique commence à s’adapter à nos besoins, surtout aux besoins des voyageurs, et cela va continuer. Comme tu le sais, les enjeux sont capitaux.

Photo de fauxels

On va aussi certainement aller vers plus de ventes complémentaires, auprès du voyageur, du ménage en cours de séjour, de la réservation, de la livraison, du conseil. On est un peu un office de tourisme aussi, la conciergerie ne se limite pas à une arrivée et un ménage en fin de séjour.

La conciergerie va perdurer, continuer à se développer, certains ont des taux de croissance de l’ordre de 30%, malgré la crise sanitaire.
Nos grands enjeux sont:
mieux accompagner le voyageur, mieux maitriser le parcours client.
accompagner le propriétaire du bien, lui proposer d’autres/plus de service. Aujourd’hui on est essentiellement focalisé sur le visiteur.
structurer, accompagner le secteur, il y a un grand besoin de conseils.

Il y a un début de concentration, des petites conciergeries se font racheter par de plus grands réseaux. Certaines agences ont fait des levées de fonds pour accompagner leur croissance externe. Pour moi, ça restera toujours un univers d’indépendants, le modèle « franchise » semble le plus adapté à ces spécificités. Les acteurs sont, pour beaucoup, issus de la reconversion professionnelle, c’est avant tout un état d’esprit.

Vous organisez le Congrès CLF, c’est quoi ?

C’est l’aboutissement de la création de ce réseau. Nous avons créé le CLF avec pour objectif de se rencontrer, d’échanger, de se professionnaliser. Ce Congrès, c’est l’occasion de se voir et d’atteindre ces objectifs.

Il a lieu les 28 et 29 mars à Nantes. La journée du lundi 28 est réservée aux adhérents, c’est notre congrès. Évidemment, nous organisons une soirée de gala lundi soir. La journée du mardi 29 est ouverte à tous, c’est le salon, avec nos partenaires, des exposants, des ateliers, la présentation de notre centrale d’achat. Quand je dis ouverte à tous, à tous les concierges, adhérents et non adhérents, mais ça reste un salon professionnel. La billetterie est offerte aux adhérents et à ceux qui adhérent pendant le congrès. Les porteurs de projet sont les bienvenus.
C’est le tout premier congrès expo de France dédié à la conciergerie locative, on est très heureux de ce fort symbole, on espère accueillir de nombreux concierges pour de beaux échanges.

Merci Maxime pour ton temps et je te souhaite un très bon congrès.

Site du CLF => www.reseauclf.fr
(lien vers détail et inscription au congrès-expo)

Disclamer

Maxime voulait offrir un lien qui permet d’obtenir 5€ de réduction sur la billetterie du congrès, mais j’ai refusé, ça fait trop « article sponsorisé ». J’ai plaisir à vous rappeler que Artiref est MON blog, que j’écris ce que je veux et qu’il n’y a jamais eu aucun article sponsorisé (et si ça devait avoir lieu, ça serait écrit en GROS).

Vous l’avez compris cette interview est à mon initiative. Je vais intervenir à ce congrès sur un atelier lié aux avis en ligne. J’y interviens bénévolement, j’ai juste un dédommagement pour les frais de transport, la réussite (ou pas) de ce congrès ne m’impacte pas. Si j’interviens dans ces conditions, c’est parce que j’adore cet état d’esprit, ces initiatives, ces nouvelles formes d’hébergements. C’est aussi dans cette dynamique que j’ai proposé à Maxime cette interview, pour populariser, expliquer, montrer ce secteur qui à de belles années devant lui, mais là, ce n’est que mon avis. J’adore voir des tendances, des secteurs, se créer, s’inventer, répondre à des besoins, s’adapter, c’est beau, c’est mon côté Darwinisme (oui, rien que ca ;)

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