Qui veut la peau d’Airbnb ?

Qui veut la peau d’Airbnb ?

Contexte :

Depuis 8 ans d’existence, Airbnb a su faire sa place sur la toile progressivement. C’est devenu une référence avec une offre qui comprend plus de 2 millions de biens. Le mastodonte Airbnb semble intouchable : il a su créer une plateforme de mise en relation de particuliers à particuliers pour la location de logements dans le monde entier.

Vous le savez, les attentes des clients se sont transformées face à ces nouvelles offres. Leurs exigences se sont précisées : pourquoi dormir dans une chambre d’hôtel standardisée alors que je peux avoir un appartement entier tout confort et équipé avec un petit jardin au coeur de Montmartre ? (je grossis volontairement le trait).

Ceux qui avaient un petit budget et voulaient « juste une chambre simple », sans services, sans petit-déjeuner, sans prétention. Noémie, très souriante sur sa photo de profil a l’air sympa, elle leur propose son logement pas cher et confortable, personnalisé et décoré, bien situé en face de la gare d’Angers : bingo.
Bref, vous l’avez compris depuis le temps, les voyageurs ont envie de plus, ils veulent quelque chose d’original, d’unique, ils ne veulent pas faire comme le voisin. Ils recherchent une expérience et un prix attractif.

Tout allait bien pour Airbnb, dont l’activité n’a fait que croître durant ces huit années, on l’entendait siffloter tranquillement pendant qu’il captait :
=> une clientèle nouvelle à la recherche de bas prix
=>
une clientèle loisir souhaitant varier les plaisir
=> une clientèle famille souhaitant disposer d’un logement tout confort
=>
une clientèle business à la recherche de logements fonctionnels

On entendait les hôteliers hurler, criant à l’injustice face à ces amateurs loueurs qui aspiraient leurs clientèles. La plupart des hôteliers n’étant pas contre AirBnb mais souhaitant que cette nouvelle concurrence soit soumise aux mêmes exigences légales qu’eux. Les municipalités ont commencé à faire du bruit elles aussi, quid du paiement de la taxe de séjour… Toute cette facilité et simplicité ne pouvaient plus durer !

Côté finances, le géant Américain bouclait levées de fonds après levées de fonds: 7.2$ millions en 2010, 119.8$ en 2011 et 475$ en 2014. Sa valorisation serait aujourdh’ui dans les 30 milliards de dollars. Airbnb réaliserait 900 millions $ de chiffre d’affaires dont 60 à 160 millions en France (estimations). La plateforme est aujourdh’ui présente dans 34 000 villes (réparties dans 192 pays).

Le point noir arrive en 2016, année qui s’est avérée difficile pour l’entreprise américaine. Pointée du doigts aux 4 coins du globe, elle est accusée de faire de la concurrence déloyale envers les hôtels, de mettre en concurrence les habitants et touristes en provoquant la hausse des loyers dans les villes…

Qui sont ceux qui veulent la peau d’Airbnb ?

Que s’est-il passé pour Airbnb cette année ? Nous vous proposons une rétrospective de 2016 de ces personnes, aux 4 coins du globe, qui n’ont pas hésité à attaquer de front Airbnb pour rétablir la justice. Des mesures ont été engagées contre Airbnb (et bien souvent, des compromis ont été initiés entre les parties).

Espagne-Barcelone : Ada Colau
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  • Madame la maire, Ada Colau, avec un programme informatique, ville de Barcelone

Décembre 2015, mise en application immédiate des amendes

Mobile : Depuis décembre 2015, Barcelone traque les fraudeurs et distribue des amendes aux plateformes Airbnb et Homeaway. Elle accuse ces plateformes de faire de la publicité de location de logements non habilités pour cette fonction. En utilisant un processus automatisé, la municipalité a pu lister des logements et engager des poursuites avec des amendes allant jusqu’à 30 000€.

Le 11 août 2016, la mairie a réalisé une opération forte : la fermeture de 254 logements loués sans autorisations et a infligé des amendes de 30 000€ aux propriétaires. Elle a recruté des agents pour arpenter la ville et vérifier que les appartements loués possédaient une licence. Elle a également ouvert un site internet pour vérifier la légalité des logements proposés à la location ou pour inciter chacun à y dénoncer des fraudeurs.

Cette mesure « coup de poing » a été engagée suite à la rapide propagation de ce type d’offres dans la ville très touristique qu’est Barcelone. Sur ces seules plateformes, 137 000 lits y sont répertoriés, soit le double de l’offre « conventionnelle » d’hébergements.

France- Paris- Anne Hidalgo
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  • Madame la maire, Anne Hidalgo, avec la loi, ville de Paris

1e Octobre 2015, mise en place de la taxe de séjour pour Paris sur le site Airbnb

Mobile : La ville de Paris, 1e destination de la plateforme Airbnb avec 60 000 logements en ligne. La ville a décidé de recadrer les dispositions en matière de location de logements dans la ville.
Ainsi, les propriétaires peuvent louer leur résidence principale à un tiers sans demande d’autorisation, pour une durée de location annuelle inférieure à 4 mois par an, sous peine d’une amende de 25 000€. Pour les résidences secondaires, une autorisation doit être demandée à la mairie, avec des pénalités allant jusqu’à 100 000 € en cas de non-respect de la procédure.

Compromis : Fin 2015, suite à la pression de Paris et ses hôteliers sur Airbnb, la mise en place de la collecte de la taxe de séjour via le site Airbnb a été implantée. En un an, cela représente 5,5 millions d’euros reversées à la ville de Paris. Depuis, Airbnb a annoncé vouloir initier des partenariats avec 700 villes, actuellement en France plus de 20 villes fonctionnent avec ce système sur Airbnb (date : janvier 2017).

Il en résulte une perte de recettes pour l’Etat, une insécurité juridique pour le contribuable et une concurrence déloyale pour certains secteurs.

Pascal Cherski, Député français à l'origine de l'amendement

le 1e janvier 2019, future mise en application d’une retransmission automatique des revenus des hôtes Airbnb au fisc

Le 30 novembre 2016, la ville de Paris et Airbnb s’associent pour lutter encore plus contre la fraude fiscale. L’amendement N° CF3 a été voté pour obliger les plateformes collaboratives à transmettre les revenus perçus par leurs utilisateurs directement aux fisc. Cette mesure s’appliquera aux particuliers loueurs à partir du 1e janvier 2019. C’est pour corriger le manque de transparence de ces plateformes que ces mesures ont été initiées : selon le député à l’origine de cet amendement, les revenus générés et récoltés par les hôtes étaient rarement déclarés et imposés.

Allemagne-Berlin- Engelbert Lütke Daldrup
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  • Le Secrétaire d’État au logement Engelbert Lütke Daldrup, avec la loi, ville de Berlin

1e mai 2016, mesure prise et mise en application du 1e janvier 2017 jusqu’à fin 2018.

Peu de flexibilité du côté de l’Allemagne. En mai 2016, la ville de Berlin a décidé d’interdire totalement les locations de logements entiers pour des courtes durées par le biais de la plateforme, sauf autorisation de la ville. Les berlinois sont autorisés à ne proposer à la location qu’une seule pièce de leur logement. Il serait dangereux de jouer avec le feu : l’amende pourrait aller jusqu’à 100 000€. Cette loi n’interdit pas les locations de résidences de vacances mais seulement les résidences principales. Pour aller plus loin, un site internet a été crée pour donner la possibilité aux habitants de dénoncer anonymement les logements suspects (comme à Barcelone).

Cette mesure forte a été prise en raison de la difficulté de se loger pour les habitants dans la capitale et de l’augmentation du prix des loyers. La ville avait engagé la construction de nouveaux logements afin de répondre à ces problématiques… Egalement, à Berlin, les hôteliers locaux ont constaté une diminution de leurs taux d’occupation face à cette nouvelle concurrence.

Compromis : Pas de compromis actuellement, certains propriétaires sont en procès, Wimdu (concurrent d’Airbnb) qui s’est allié à l’un des requérants, souhaitant lutter pour ne pas interdire toutes locations dans la ville.

Etats-Unis-New York : Andrew Cuomo
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  • Le Gouverneur Andrew Cuomo, avec la loi, État de New York

Octobre 2016, ratification d’une loi en votée en 2010

Mobile : La location illégale de logements sur Airbnb a été au cœur des problématiques à New York ces derniers temps. En effet, concernant la location des « chambres privées » (une chambre du logement entier), leur location est légale pour moins de 30 jours seulement si l’occupant du logement est présent durant le séjour. Ces conditions de location n’ont pas été respectées.

Depuis 2010, une loi mise en place à New York stipule l’interdiction de la publication d’annonces de locations de courte durée, sous peine d’une amende qui peut aller jusqu’à 7500$. Cette mesure avait été prise pour interdire toute location de courte durée inférieure à 30 jours et ainsi dissuader les propriétaires de logements de les transformer en hôtels non déclarés. Celle-ci vient d’être ratifiée en octobre 2016.

Selon une analyse menée par l’Etat de New York en 2014, 72 % des unités hébergements utilisées comme des locations de courte durée sur Airbnb étaient hors la loi.
Aussi, il a été constaté que certains logements proposés faisaient office d’hôtels – En 2013, environ 200 unités d’hébergements à New York furent réservées en tant que location privée de courte durée, pour une durée de plus de 365 jours dans l’année. On dépasse largement le cadre des moins de 30 jours de location dans ce dernier cas.

Compromis : Airbnb a engagé des poursuites contre New York concernant les formulations reprises dans cette loi, disant que cela nuit au principe de l’économie collaborative entre autres. Entre temps, Airbnb a finalement abandonné ses poursuites pour tenter de trouver un terrain de collaboration et traquer les mauvais hôtes négligeant la loi.
Très habile, Airbnb affirme que le texte sera appliqué mais que les amendes sont à rediriger vers les hôtes, puisque ce sont eux qui proposent leur logement à la location sans tenir compte de la loi. Airbnb souhaite ainsi se protéger, n’étant pas responsable des actions menées par les utilisateurs de la plateforme.

Source : Rapport « Airbnb in the city », passage traduit de l’anglais, page 2 www.ag.ny.gov/pdfs/Airbnb%20report.pdf

Retrospective 2016 : Quand les municipalités demandent à régler leur compte. Qui veut la peau d' #airbnb ? Cliquez pour tweeter

D’autres exemples

(edit du 10 janvier 2017)
Costa Rica :Une nouvelle loi a été signée le 19 décembre 2016 par le président Luis Guillermo Solís concernant à lutter contre la fraude fiscale. Cette loi concerne les loueurs particuliers en court séjour, pour une durée de moins d’1 mois, qui seront soumis comme les hôtels au paiement de la TVA. Ils auront également l’obligation de s’enregistrer auprès des municipalités et d’obtenir l’accord pour la location de leurs biens. Un partenariat est en cours entre Airbnb et le système d’impôts local (Hacienda) afin qu’Airbnb collecte la TVA pour le pays (Merci Laetitia pour l’info). En savoir plus

D’autres négociations en cours

D’autres grandes villes ont initié des restrictions contre la plateforme Airbnb (et autres plateformes de locations équivalentes) :

San Fransisco : étude d’une loi qui vise à interdire les locations de logements entiers pour plus de 60 nuits par an et une sanction envers Airbnb de 1000$/jour pour chaque annonce en ligne qui ne serait pas enregistrée au préalable auprès de la ville.

Londres : Airbnb planifie d’imposer aux hôtes londoniens, pour les logements de courte durée, une restriction de 90 jours de location par an. Elle s’engage à appliquer cela via des limites automatiques sur la plateforme, qui restreignent le partage des annonces. Néanmoins, seront autorisés à dépasser cette limite ceux qui demandent et obtiennent une autorisation de la ville. Cette engagement a été pris suite à des discussions avec les autorités locales et a été saluée positivement (décembre 2016, mise en application printemps 2017).

Amsterdam : Une négociation entre la mairie d’Amsterdam et Airbnb a conduit à une restriction pour les hôtes néerlandais de la location de logements courte durée pour un maximum de 60 jours par an (comme pour Londres). Cette mesure avait été adoptée à Amsterdam dès 2014 (notamment en raison des nuisances sonores et de la hausse des prix du logement dus à ces activités) mais depuis Airbnb n’avait pas coopéré dans ce sens. C’est chose faite avec cet accord. L’hôte aura un compteur sur sa fiche avec le nombre de jours restants et il ne pourra plus accepter de réservations une fois le seuil dépassé. (décembre 2016,mise en place du 1e janvier 2017 jusqu’à fin 2018).

Airbnb : la bête noire pour les habitants

Comme le montrent ces exemples de restrictions, suite à l’arrivée d’Airbnb, des conséquences positives et négatives ont pu être observées.

  • Augmentation des prix des loyers dans plusieurs villes : cas de New York où l’émergence des locations de biens via Airbnb a fait grimper le prix des appartements dans ces quartiers.
    (Plus d’infos, article le 4 juillet 2016)
  • Phénomène de changement de population sur un territoire : cas de Paris où il y a une mutation de la population, 5% de population de moins en 5 ans au profit de la location d’hébergements pour les touristes via Airbnb
    (Plus d’infos , article du 4 janvier 2017)
  • La croissance du tourisme sur certains territoires a un coût pour les locaux : cas de l’Islande où le tourisme a permit de relancer l’économie. L’offre sur Airbnb est variée à Reyjavik mais il est quasiment impossible de trouver un appartement pour y vivre…
    (Plus d’infos, 24 mai 2016, en anglais)
  • Des nuisances sonores et troubles de voisinages : cas d’Amsterdam, où les locations d’appartements par des touristes engendrent des nuisances sonores répétées.
    (Plus d’infos, 2 décembre 2016)
  • La croissance du tourisme et l’arrivée d’une nouvelle clientèle permet de booster les commerces de proximité : les clients Airbnb ne se tournent pas forcément vers les restaurants, la location de logements entier leur permet de faire leur propre cuisine. Ils achètent leurs produits aux supermarchés et marchés locaux pour également.

Un article rédigé par Cindy Bayle