Booking et la fin de la partié tarifaire

Booking et la fin de la partié tarifaire

En ce lundi 15 décembre 2014, les articles fleurissent sur le web à propos d’une hypothétique fin ou d’un assouplissement de la parité tarifaire avec Booking.com: Le MondeChallengesBFMtv Ces articles mentionnent que Booking.com souhaite lâcher du lest pour mettre fin à certaines enquêtes ou procédures à son encontre.

Cet article a été rédigé avant que je prenne connaissance du document officiel, cliquez ici pour lire mon analyse de la proposition d’engagements de la part de Booking.com

Mais au fait, c’est quoi exactement la parité tarifaire ?

Elle est exprimée dans les Conditions Générales d’Utilisation de Booking.com dans l’article 2.2.1. Je vous rappelle que ces CGU sont librement consultables à cette adresse arti.re/Booking. C’est d’ailleurs le même article (2.2.1) qui encadre aussi la parité de disponibilité, est-ce à dire que la parité de disponibilité va aussi connaitre quelques changements, nous n’en savons rien à ce stade.

Donc, voici le fameux article de la discorde, celui à propos de la parité tarifaire:
L’Hébergement doit assurer à Booking.com.com la parité de ses tarifs et disponibilités (la « Parité »). La Parité Tarifaire signifie des tarifs égaux ou plus avantageux pour le même Hébergement, le même type de Logement, les mêmes dates de séjour, le même type de lit et le même nombre de clients, et des restrictions ou conditions égales ou plus avantageuses, par exemple pour le petit-déjeuner, les modifications de réservation et les conditions d’annulation, par rapport aux tarifs, conditions et restrictions disponibles sur les sites Internet de l’Hébergement, applications ou depuis les centres d’appel dudit Hébergement (y compris par le système de réservation), directement auprès de l’Hébergement, auprès de tout concurrent de Booking.com.com (y compris toute agence ou tout intermédiaire de réservation en ligne ou hors ligne) et/ou auprès de tout autre tiers (en ligne ou hors ligne) étant un partenaire commercial de l’Hébergement ou étant lié audit Hébergement.

C’est cet article que Booking.com serait sur le point d’assouplir, on ne sera plus prochainement, après les effets d’annonce et, surtout, une fois les CGU mises à jour (c’est pour l’instant une consultation). C’est l’effet magique des CGU, ce n’est pas comme un contrat, elles n’ont pas besoin d’être validées par l’autre partie, elles peuvent être modifiées de manière unilatérale avec une simple notification à l’hôtelier. Depuis maintenant 9 ans ces CGU n’ont pas arrêté d’être mise à jour, le plus souvent en catimini, la mise à jour de l’article concernant la parité tarifaire ne sera pas réalisée discrètement, il est à parier que Booking.com en fera un support de communication (« regardez comme on est gentil, on vous a écouté ! »).
N’ayant pas encore tous les détails de cette modification, je ne vais pas analyser ce que Booking.com pourrait changer, etc. attendons de voir venir. Je pensais plutôt essayer de voir ce que cela allait impliquer pour les hôtels.
Il semblerait que cet abandon de la parité tarifaire ne concerne que les points de vente tiers et que l’hôtel serait toujours soumis à cette parité concernant ses ventes directes.

Quelles conséquences l’abandon de la parité tarifaire peut avoir sur la commercialisation ?

Visibilité sur Booking.com
Ceux qui ne jouent pas le jeu seraient remisés à la dernière page des offres. L’algorithme de classement va intégrer plus fortement cette notion de parité tarifaire. Les gagnants seront les établissements placés sur des zones à faible concurrence. Si sur votre ville, il n’y a qu’une page d’offres, alors être rétrogradé à la dernière position importe peu. Ce qui va peut-être remettre en question la définition des zones et territoires tels qu’ils sont actuellement présentés par Booking.com.

Frais de marketing, de mise en ligne, de mise à jour
Ceux qui ne jouent pas le jeu et qui donc veulent juste bénéficier de la visibilité qu’apporte Booking.com pour faire des ventes en direct (maximiser l’effet Billboard), auront alors à payer cette visibilité. Si vous ne la payez pas par la commission, il faudra bien la payer autrement. On verra peut-être apparaitre des frais de mise en ligne, de création de fiche, de traduction de fiche, l’achat de mots-clefs sera peut-être refacturé (ce que Amazon veut faire), etc.

La mort de Booking.com
Soyons fous, si il n’y a plus de parité tarifaire, Booking.com va perdre de sa superbe (pourquoi acheter des mots-clefs si la vente se fait ailleurs, là où c’est moins cher). On peut même assister à la disparition de Booking.com (j’y crois pas un instant) et les hôteliers seront les premiers à regretter cette disparition, c’est bizarre …. un hôtelier ;)

Dégradation de l’offre Booking.com
Ne respecteront pas la parité, les hôtels qui peuvent se le permettre, les meilleurs, ceux qui ont un bon produit, ceux qui savent gérer leur webmarketing, bref, les bons. On ne trouvera (en visibilité) plus que des établissements bof bof dans Booking.com, son offre se dégradera, ça sera comme faire ses courses à Lidl, c’est pratique, c’est pas cher, c’est correct, mais ça manque de fun, de qualité, d’expérience, etc.

Gestion plus complexe des canaux
Si les hôtels peuvent gérer différemment leurs canaux de distribution, alors la gestion de ceux-ci sera plus complexe. Les channels manager et leur utilisation seront plus ardus, coûteront peut être plus cher (ne serait-ce qu’en temps de gestion), peut-être, encore une fois, que seuls les meilleurs établissements pourront se le permettre.

Durcissement de la relation
Booking.com abandonne la parité tarifaire. Ils ne feront que si toutes les plateformes le font. Mais ils ne le feront pas gratuitement et ils exigeront quelque chose en échange. Si ils lâchent du lest sur la parité, peut-être que cela sera l’occasion de serrer la vis sur un autre point. Par exemple, ceux qui ne jouent pas le jeu verront peut-être la relation se durcir et en échange devront donner un allotement ou toute la gamme des produits, tous les package, etc.

Et le client dans tout cela ?
Le client se rendra compte qu’on l’a pris et qu’on le prend pour un con. Et ce n’est pas Booking.com qui va morfler, mais les hôteliers, c’est eux qui ont le client en face à face, tous les jours, pas les OTAs.

Relire le contrat, les CGU => c’est ici

Changement de l’opprimeur
Il faudra toujours une porte d’entrée performante, globale, pour le client en recherche d’établissement. Il y a surement une carte à jouer de la part des institutionnels, mais je pense plutôt que ce sont les comparateurs de prix qui ont tout à y gagner. Si le prix est différent en fonction des canaux, ces comparateurs vont exploser et c’est eux qui vont rafler la mise, qui vont prendre le pouvoir (que cela soit en direct ou par une OTAs).
C’est peut-être le déclenchement que Google attendait pour faire monter en force et en puissance son Google Hotel Finder

Modification du comportement d’achat
Le client va vraiment comprendre que les prix sont élastiques. La même chambre, aux mêmes conditions, aux mêmes moments à plusieurs prix en fonction de son canal…. Il va négocier de plus en plus, si les prix sont élastiques, moi aussi je vais jouer avec l’élastique (même si le caoutchouc c’est bien plus doux)

Et notre marge ?
Ceux qui ne voudront pas jouer le jeu, car la clause va disparaitre en mode « impératif » mais restera fortement conseillée et/ou la collaboration sera tellement contraignante pour ceux qui respecteront pas que ça reviendra au même. Toujours est-il que je parle de ceux qui ne veulent pas jouer le jeu, car la parité ne sera pas abandonnée comme ça, il y aura bel et bien 2 vitesses, ceux qui jouent le jeu et ceux qui ne veulent pas jouer (et à mon avis, ceux qui veulent pas jouer ne joueront pas, mais sur tous les plans, personne ne va leur offrir de la visibilité gratuitement ….).
Bref, ceux qui ne joueront pas le jeu, devront investir plus en webmarketing (achat mots-clefs, comparateurs, etc.), cela va leur couter et comme ils sont moins performants que Booking.com, ça coutera certainement plus. Cela ne va donc pas améliorer la marge, mais seulement les rendre moins dépendants, ce qui est, quoi qu’il arrive, un très bon point.

Va falloir être bon
Ceux qui ne respecteront pas la parité devront être bons. Il faudra se former, se faire accompagner, débloquer des budgets, etc. Ce n’est pas gagné. Ils seront peut-être dépendant de leurs partenaires/accompagnateurs, est ce forcement mieux ?

Contrat premium
Va-t-on voir apparaitre un contrat Premium auprès de Booking.com pour ceux qui s’engagent à respecter la parité, avec des avantages, de la visibilité, un taux de commission moindre, etc.

Disparition des affiliés
Les affiliés vont peut-être disparaitre, la perte de la parité les concerne aussi, ils n’auront plus autant d’arguments commerciaux (ils ne peuvent pas acheter les mots-clefs), ça va peut-être influencer leur écosystème. Et là, je ne peux que me réjouir.

L’achat des mots-clefs dans Google
Booking.com va forcément modifier ses conditions d’achat de mots-clefs. Seuls ceux qui respecteront la parité tarifaire auront un achat de mots-clefs, ce qui peut être une bonne chose. Mais imaginons que Booking.com achète le mot-clef « hotel de la gare montargis » et que cet hôtel-là ne respecte pas la parité, le trafic ainsi crée sera peut-être redirigé vers un autre hôtel de la destination, qui joue le jeu (c’est perfide, hein !).

Apparition des fiches « Premium »
Ceux qui jouent le jeu, auront des fiches « Premium », c’est-à-dire que ceux qui ne jouent pas perdront des fonctionnalités importantes sur leur fiche, pour les rendre moins sexy: pas d’avis clients, moins de photos, traduction payante, etc. La fiche sera alors faite pour vendre l’hôtel à ceux qui le cherchent, et non à ceux qui cherchent un hôtel sur la destination. Cela va accentuer le BrandJacking (étonnant, non ?)
On peut même penser que ceux qui ne jouent pas le jeu ne pourront pas être éligible au contrat « Preferred » (qui est en train de disparaitre, à mon avis), voire même ne seront pas présents sur smartphone (clientèle très qualifiée d’un point de vu marketing), etc.

Prise d’importance des acteurs « alternatifs »
Ceux qui ont le plus besoin de Booking.com sont les « petits » acteurs, les chambres d’hôtes, les locations meublées, etc. Ils n’hésiteront pas à jouer le jeu (et je ferai pareil à leur place), leur visibilité sera mise en exergue et ils rafleront encore plus de réservations …. Booking.com va continuer, encore plus, à participer à la modification du comportement de la clientèle, c’est eux qui ont créé le client zappeur après tout !
Les campings sont de plus en plus dragués par Booking.com, qui leur sert à vendre des nuitées sèches en hors saison, alors qu’eux, les campings, vendent du séjour à la semaine en saison. Impossible de comparer les prix dans ce cas-là, les campings prendront peut-être leur essor dans Booking.com à cette occasion. En tout cas, cela va peut-être créer une distribution à deux vitesses.

Les chaînes seront les grandes gagnantes
Cet abandon va changer la donne par rapport aux chaînes qui aujourd’hui respectent totalement la parité. C’est peut-être le début de la grande guerre des prix. Seules les chaînes pourront ce permettre cette guerre, c’est donc encore une fois, peut-être, la petite hôtellerie, indépendante qui va morfler.
Cela permettra aussi, peut-être, aux chaînes de renégocier leur contrat avec Booking.com, elles qui s’engageaient sur la parité, ça va encore créer un décalage entre gros groupes structurés et petits indépendants, mais c’est pas une surprise.

Montée ne puissance des distributeurs vertueux
En échange d’un engagement à la parité tarifaire, certaines OTAs vont offrir quelque chose aux hôteliers: une baisse de la commission, l’arrêt de l’achat du nom commercial (BrandJacking), l’arrêt des affiliés, etc… cela va peut-être (vœu pieux) faire apparaitre des OTAs vertueuses, des OTAs plus éthiques. C’est peut être l’occasion pour FairBooking.com et autres Hotels-prives de monter en force (qui ne sont pas des OTAs à proprement parler).

Booking.com a tellement d’hébergements en stock que se passer de 20 ou 30% de son catalogue ne devrait pas trop le gêner, ce n’est pas cool, mais ce n’est pas un problème pour lui à mon avis. Ils ont créé une marque, un réflexe auprès du consommateur, c’était l’important. D’ailleurs Booking.com commence la publicité à la télé, c’est bien pour entretenir la notoriété, l’image, la marque. Maintenant que la mal est fait, lâcher un peu de lest ne peut que redorer son blason

 

Voilà ce que l’abandon de la parité tarifaire pourrait modifier, à la fois pour l’hôtelier, pour le client et pour les distributeurs. C’est surtout un effet qui va bénéficier (si quelqu’un d’autre que Booking.com doit en tirer un bénéfice) aux gros, aux chaines et aux bons, peu aux indépendants.

Cet article a été rédigé avant que je prenne connaissance du document officiel, cliquez ici pour lire mon analyse de la proposition d’engagements de la part de Booking.com

Et vous, vous en pensez quoi ? Réagissez dans les commentaires !

2 Comments

  1. 16 décembre 2014 at 9 h 02 min

    Merci Thomas pour ce post très complet.
    100% ok avec toi sur le fait que cette mesure "généreusement" accordée par Booking profite aux chaines associatives ou non, et tant mieux pour elles, mais peu aux indépendants directement.
    A croire que Booking lâche un peu de lest aux groupements les plus virulents, histoire de les calmer un peu....mais ne lâche rien pour les ventes en direct...

    1. 16 décembre 2014 at 9 h 46 min